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Suggestion d'accompagnement

Un fondement dérobé.

A la base des multiples manières proprement « humaines » d’appréhender « le monde », ou de se comporter en lui, nous retrouvons très certainement deux croyances fondamentales, deux affirmations problématiques quoique tout à fait indispensables, sans lesquelles ne serait envisagée nulle expérience dite « sensée ». Certes, un tel arrière-plan de toutes les possibilités qui sont les « nôtres » n’est pas, en tant que tel, immédiatement manifeste, si bien qu’il reste le plus souvent complètement ignoré. Cela étant, ponctuellement, au cours de quelque illumination mystérieuse et soudaine, la singularité de son influence peut surgir : elle s’offrira au percevant subtil et concentré qui aura su l’accueillir, en sa fragilité qui reste à éprouver, dans le fond le plus obscur d’une parole « entendue ». De là, imprégnant davantage cette énigme insondable d’un visage signifiant, d’une voix qui suggère un franchissement impossible, ou d’une pensée lourde d’implications secrètes, nos croyances en question révéleront bien vite le cercle déroutant produit par leur dévoilement : car cet « humain » (ce «nôtre », cette « entente »), autrement dit ce « monde », ou cela qui fait « sens », ici se présentera comme ce qui sans elles jamais ne saurait être, et qui pourtant, de fait, chaque fois déjà les pose. Dès lors, constatant cette contradiction pour le moins dérangeante d’une cause qui serait causée par son effet, un être raisonnable renoncera finalement à l’examen appliqué de leur authentique teneur. C’est ainsi qu’un tel soubassement de toute réalité « tangible », lorsqu’il n’est pas purement et simplement occulté, n’est jamais, pour qui croit le reconnaître, qu’une sorte de rêve fugitif, à ce titre négligé.

Deux croyances.

La première croyance qui nous interpelle pourrait se formuler ainsi :

« Il y a une réalité extérieure à celle que je perçois, à savoir celle qui est perçue par un autre ; d’ailleurs, dans la limite de mes facultés disponibles, je puis me représenter cette réalité parallèle de façon assez précise, à partir de l’observation attentive des diverses apparitions humaines. »

La seconde :

« Il y a une réalité extérieure à celle que je perçois, à savoir celle qui subsiste avant et après la durée de ma vie ; d’ailleurs, dans une certaine mesure, je puis me représenter cette réalité persistante de façon assez précise, à partir de l’observation attentive des divers éléments de continuité du monde environnant. »

Remarques.

1) Ce qui est dit dans ces deux affirmations paraît à ce point hors de doute, qu’il peut sembler tout à fait absurde de les nommer « croyances ». Selon l’opinion courante, serait ici posé le vrai en soi, ce qui est nécessairement, ce qui ne saurait faire débat. Ceci n’est pas naturel : admettre qu’il n’y a là qu’une hypothèse incertaine, un fait indémontrable, lequel certes doit être admis par chacun pour que soit garantie la consistance des phénomènes, mais ne saurait pour autant s’identifier à quelque évidence absolue donnée indubitablement, ou objectivement.

2) L’interprétation structurellement inadéquate de ces affirmations nous renvoie à leur dissimulation, mais aussi à leur abandon, tels qu’ils sont évoquées plus haut : car dans cette situation, imaginer un fait attesté là où il n’y a que conjectures, revient ou bien à ne pas voir du tout ce qui est en fait, ou bien à refuser de jouer le jeu d’un étrange va-et-vient dont on ne reconnaît pas le mouvement positif d’élucidation progressive.

3) Mais pourquoi, au juste, doit-on dire que de tels énoncés sont des croyances et non des constats assurés ? Pour la simple raison que la réalité qu’ils postulent, qu’elle soit parallèle ou persistante, n’est jamais donnée en elle-même dans mon expérience propre du réel. Or mon expérience propre est le seul terrain sur lequel semble jaillir et s’épanouir un constat ou une certitude.

4) A vrai dire, ces croyances sont à ce point croyances que leur présence, en ce qu’elle serait constatée au sein de « toutes les consciences », nous renvoie elle-même à une croyance. Ce fait sautera aux yeux de quiconque médite un peu ladite réalité parallèle en tant qu’elle est croyance. Pour ainsi dire, rien ne me persuade absolument qu’un autre que moi :

a) perçoit ou croit quelque chose ;

b) ne croit pas à un monde qui serait peuplé de corps-automates dénués de conscience, et qui surgirait puis s’évanouirait en même temps que sa vie propre ;

c) ne perçoit pas le monde à travers les sens de tous les êtres qui sont, qui ont été, et qui seront ;

d) croit effectivement à un monde persistant comprenant une autre conscience que la sienne propre, tout en restant au fait des limites d’une telle croyance.

5) Pour ne rien omettre, nous ajouterons ceci : ce que j’appelle « mon expérience », ce sol de toute prétendue certitude, dans la mesure où sa consistance singulière dépend intimement de nos deux croyances ici posées, devient de ce fait elle-même incertaine. Voici donc la conséquence ultime de l’emploi du mot « croyances » dans notre contexte : toute vie présentement vécue doit être hantée par une sensation diffuse, latente, de doute, voire d’irréalité.

Tag(s) : #Métaphysique et ontologie
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