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Les hackers qui s’appellent les « anonymous » semblent incarner une exigence "critique", sur un certain secteur de la lutte. Mais ils semblent n'être hélas trop souvent que des individus hébétés, ayant totalement assimilé les injonctions et « codes » techniques de la machine cybernétique, sans plus les remettre en question en tant que tels. Leur simple masque (V pour Vendetta), indique qu’ils sont totalement soumis à la propagande hollywoodienne qui fait aussi de ce monde pourri ce qu’il est, et ils ne combattent donc jamais que l’ombre de la réalité. Pour eux, la « révolution » sera un jeu adolescent romantique, une bande dessinée ou une fiction.

Leur confusionnisme idéologique (oscillant entre social-démocratie altercapitaliste et philosophie politique à la "Matrix", lorsqu'on n'a pas affaire à de purs rouges-bruns) traduit sur un autre plan leur auto-réification.

Si pour ces individus, la lutte contre un monde qui produit la conteneurisation des humains, hommes, femmes, et enfants, comme du bétail, pour les abattre, progressivement ou définitivement, est à ce point « fun » ou « funky » pour qu’on en fasse une sorte de jeu de piste grandeur nature, ou pour qu’on se prenne, dans ce « jeu de piste », pour un « héros » de comics ou de fiction hollywoodienne, tout « excité » à l’idée de « pirater » des « méchants » « ordinateurs », alors, de deux choses l'une :

- soit nous avons affaire là à des individus complètement cyniques et inhumains, voire sadiques et psychopathes, qui n’ont aucune dignité ni aucun surmoi, narcissiques au point de faire d’un combat contre l’abjecte extermination quotidienne des individus vivants un prétexte pour s’exhiber spectaculairement et vaniteusement ;

- soit nous avons affaire plutôt à des fétichistes totalement inconscients, qui ne vivent plus dans la réalité depuis longtemps, et qui ignorent tout de ce qu’ils veulent faire (dans les deux cas, ils restent nuisibles, du point de vue d’une lutte émancipatrice au sens strict).

Pourtant, un hacking révolutionnaire, avec des bases éthiques et politiques solides, existe, mais précisément, "personne" n'en parle (et ainsi il pourra être efficace).

Ce n’est certainement pas un Hakim Bey qui pourra nous aider dans cette affaire. Car lui aussi considérera finalement que la lutte éminemment sérieuse et absorbée, digne et scandalisée, contre la mise-en-camp et la concentration désintégrante des « inexpoitables », contre l'exploitation réifiante, se ferait essentiellement de façon festive, festivalière, ou « fun », et surtout de façon totalement hébétée et instantanée, segmentée, sectorisée, puisqu’aucune continuité ne sera revendiquée au sein de ces fameuses Zones d’autonomie temporaire qu’il vante, dites aussi Zones d’auto-mystifications tributaires. 

Citons un extrait de l’un des articles indigents de ce révolté de pacotille (dont « l’anonymat » ici est une nouvelle façon de s’exhiber spectaculairement, de devenir un « produit » « critique », et surtout pas un enjeu stratégique) : « Au XVIIIe siècle, les pirates et les corsaires créèrent un «réseau d'information» à l'échelle du globe : bien que primitif et conçu essentiellement pour le commerce, ce réseau fonctionna toutefois admirablement. Il était constellé d'îles et de caches lointaines où les bateaux pouvaient s'approvisionner en eau et nourriture et échanger leur butin contre des produits de luxe ou de première nécessité. Certaines de ces îles abritaient des «communautés intentionnelles», des micro-sociétés vivant délibérément hors-la-loi et bien déterminées à le rester, ne fût-ce que pour une vie brève, mais joyeuse. » (Zone Autonomie Temporaire, TAZ).

Cette description est censée proposer une métaphore pour ce que doit être le mode de vie du "révolutionnaire" ou du "résistant". Et cette idée est plutôt tendancieuse, comme il va de soi. Les résistants, ou les luttants, révolutionnaires, face au pouvoir totalitaire économique et idéologique qu’ils combattaient, et qui anéantissait des individus méthodiquement, se prenaient-ils gentiment pour des « pirates », « jouaient-ils » avec des « cartes au trésor », pour détecter quelque « butin » ? Leur réseau d’information était-il celui d’individus « bien déterminés à rester hors-la-loi, pour une vie brève mais joyeuse » ? Il n’y a plus aucun sens de la gravité chez ces pseudo-révoltés pour lesquelles la vie n’est plus qu’un jeu, une représentation légendaire, et pour lesquels l’abolition de l’enfance et le massacre des innocents est l’occasion de développer des « métaphores » fictionnelles « fun » et « cools ».

Hakim Bey évoque abstraitement "l'Etat" (sans aucune caractérisation historique ou sociale), à titre de "grande Simulation". L'objectivité et la facticité mêmes du réel, dans leur caractère indépassable, de la souffrance et des déchirures humaines, ne sont plus formellement distinguées de la pure fiction... (idéologie "Matrix").

Il croit ici saisir "Debord", mais il ne saisit que le spectacle de Debord (restant théoriquement incapable d'apercevoir la réification réelle, dans la division du travail, définie par un Georg Lukacs).

Baudrillard est peut-être passé par là (critique du "simulacre"), mais l'idéologie (idéaliste et bourgeoise) nietzschéenne (qui tente de justifier le monde d'un point de vue "esthétique", comme "apparence") est, avec Hakim Bey, la référence qui s'impose prioritairement...

Hakim Bey, dans TAZ, mise beaucoup sur le "Net", ou le "contre-Net" (Web). L'ensemble de son paradigme "révolutionnaire" semble reposer sur cet "outil".

Il ne semble pas trop soucieux du fait que, dans la division internationale du travail, l'industrie du numérique suppose l'exploitation la plus sauvage, la guerre et les massacres, dans les dites "périphéries" (RDC).

L'usager désinvolte "joue" essentiellement, ici, à être un "résistant autonome éphémère", sur fond de guerre et de destructions structurelles, dont il ne semble pas soupçonner l'existence (ou qui ne seraient pour lui qu'une espèce de "simulation").

 

Hakim Bey compare aussi la "révolution" (ZAT), à une sorte de "dîner" de gala... (authentique)

Il pratique toutes sortes d'appropriations culturelles, malgré les mises en garde d'un Edward Saïd... au service d'un capitalisme globalement maintenu, mais coexistant avec quelque "brèches" éphémères  (alternativisme confus) ; de telles "brèches" concernent essentiellement les individus avantagés dans la division internationale du travail.

De ce fait, son enthousiasme fait un peu peur...

Nuances dialectiques :

 

Nous pourrions néanmoins dire que la révolution, ou la "communisation", comme visée également progressive, peut devenir joie, indépendance à l’égard de ce qui détruit, et non pas seulement visée concentrée et négative, destructive. Mais nous ne dirions pas à ce moment-là qu’il s'agirait de faire pour autant de cette résistance une fête amusante, un jeu de piste, une nouvelle activité ludique dénuée de sens et de profondeur, parmi tant d’autres activités ludiques (jeux vidéo, télé, comics, cinéma, visites "culturelles", etc.), comme si la survie luttante au sein de la désolation était un parcours « sympa » dans un parc d’attraction.

On pourrait penser ici à René Char, qui aura voulu exprimer, parfois, la joie qu’il aura vécue dans la résistance, de façon paradoxale mais "vraie" (mais certes, il est loin d'être le seul ; cf. Emma Goldman, Malcom X, Fanon, etc.).

A la fin de la guerre, Char le résistant exprima son regret de devoir laisser derrière lui « son trésor », qu’il ne pourrait plus exprimer. Car, dit-il : « notre héritage n’est précédé d’aucun testament ». Ce trésor, il était sa joie de résistant, une forme de « vérité » : « qui a épousé la résistance a découvert sa vérité ». Ainsi s’exprime par exemple cette joie profonde et grave, ce trésor, cette vérité :

« 1. Conduite

Passe. La bêche sidérale autrefois là s'est engouffrée. Ce soir un village d'oiseaux très haut exulte et passe. Ecoute aux tempes rocheuses des présences dispersées le mot qui fera ton sommeil chaud comme un arbre de septembre. Vois bouger l'entrelacement des certitudes arrivées près de nous à leur quintessence, ma Fourche, ma Soif anxieuse ! La rigueur de vivre se rode sans cesse à convoiter l'exil. Par une fine pluie d'amande, mêlée de liberté docile, ta gardienne alchimie s'est produite, ô Bien aimée ! » (Fureur et mystère)

René Char parle-t-il là d’un vulgaire festival, d’une chasse au trésor de pirates, d’un divertissement « sympathique » ou « instructif » ? Il faut se permettre d’en douter.

Devrons-nous perdre cette dignité dans la lutte, sous prétexte que le pouvoir que nous combattons, qui ne cesse pas moins d’exploiter vivants et morts, serait devenu lui-même infiniment trivial, vulgaire, tapageur, et laid ? On peut en douter... 

« La chasse au trésor » est aussi un jeu télévisé français d’une bêtise infinie, créée par Jacques Antoine au début des années 1980 ; cela donne à penser.

Nous congédierons donc fermement Hakim Bey et tous ces « anonymous » inconséquents, ou autres « colibris » indigents (Pierre Rabhi les adoubera bientôt)…

 

Note : il exista un groupe de jeunes allemands, nommé les "pirates de l'Edelweiss", qui s'opposa au nazisme ; pour autant, il va de soi que la gravité de leur sort contredit totalement la "piraterie" festivalière imaginée par Hakim Bey.

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