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Dans le processus capitaliste de crise, des formes de dépossessions peuvent surgir à nouveaux frais, et un certain narcissisme identitaire (à la fois solipsiste et sadique) peut vouloir s'exprimer.

C'est ainsi que l'agitateur Alain Soral, après la crise de 2008, a pu diffuser plus largement sa pensée nationaliste, patriarcale, homophobe, transphobe, raciste et antisémite.

C'est de façon assez logique que toutes ces dominations sont intriquées : le nationalisme narcissique de crise réaffirme assez logiquement une position raciste-coloniale (on voit ainsi que Soral regrette régulièrement le départ des français d'Algérie1). La lecture de la crise la plus facile et la plus affective mobilise l'antisémitisme structurel défini par Postone. L'inquiétude face à l'inconnu des crises évoque la « nécessité » d'un retour aux relations familiales et patriarcales traditionnelles.

Ce qui est contradictoire, ici, est qu'un tel discours se dira anticapitaliste, alors qu'il renforce les dissociations raciste-coloniale, patriarcale, validiste, et même socio-économique de la valeur. Cette contradiction s'appuie sur le schème identitariste, disloquant les champs de la domination, pour ne pas faire apparaître ses contradictions.

Le raciste Alain de Benoist utilise les mêmes outils disloquants, quoique de façon plus « subtile ».

Ces rouges-bruns devraient pouvoir révéler quelque chose d'évident : si ce sont les mêmes individus qui prônent au fond un capitalisme national (interclassiste) éternel, et qui sont à la fois sexistes, homophobes, transphobes, racistes-coloniaux, antisémites, alors tous les individus qui subissent ce monde, soit les personnes subissant le patriarcat, l'homophobie, la transphobie, le racisme-colonial, l'antisémitisme, le capitalisme (global ou national), le validisme, ont des ennemis communs, et n'ont qu'à se fédérer pour combattre cet ennemi commun, qui renvoie également à une domination impersonnelle spécifiquement moderne. De ce fait, la personne qui subit le racisme anti-musulmans rejoint la lutte contre l'homophobie et la transphobie, la personne qui lutte pour les Palestiniens rejoint la lutte contre l'antisémitisme, et l'ouvrier internationaliste lutte contre le patriarcat, etc.

L'ennemi commun fédère, et dépasse les clivages apparents.

Les rouges-bruns montrent très clairement que toutes les dissociations-valeur sont intriquées, et que lutter contre l'une d'elle, c'est lutter contre toutes (leur division sans leur intrication n'existe pas).

On rappellera également que Renaud Camus a commencé par développer des thèmes antisémites ; sa paranoïa liée à "l'islamisation de la France" arrive après coup ; de ce fait, cette figure d'extrême droite devient un "cas d'école" intéressant pour renvoyer dos à dos antisémitisme et racisme anti-musulmans (si des individus peuvent être indistinctement antisémites et racistes anti-musulmans, alors il devrait être possible de dénoncer ces deux attitudes, indistinctement).

La logique "identitaire", ou la logique d'ethnicisation des rapports de pouvoir ou de domination (qu'elle soit antisémite, antimusulmane, xénophobe, etc.) restant une logique profondément conservatrice, qui veut faire oublier les divisions matérielles pour maintenir les rapports de production existants, on verra que Renaud Camus, en tant que conservateur, a très bien compris cela, et qu'il devra donc être antisémite et anti-musulmans, simultanément.

Renaud Camus aurait pu être "l'avenir de l'extrême droite", qui est divisée entre racistes anti-musulmans plutôt "pro-gouvernement israélien" (les ultra-nationalistes se rassemblent), donc plus discrètement antisémites, et antisémites qui se rapprochent des régimes "islamistes" à tendance totalitaire (Iran), donc moins explicitement racistes anti-musulmans. Renaud Camus aura compris que, ce qui fait l'extrême droite, c'est aussi un conservatisme au niveau économique, et qu'il s'agit donc, pour maintenir les rapports économiques existants, de développer des logiques identitaires qui n'excluent aucune forme de racisme, mais qui les contient toutes.

L'agent du système (ici, un intellectuel) qui défendra la logique de la valeur ne devra renoncer à aucune forme de racisme ou de discrimination. Renaud Camus, en développant, sans distinction, diverses formes de racismes habituellement antagonistes, nous permets de dévoiler le projet du racisme en général, actuellement : il reste une défense du système de la valeur accumulée (capitalisme) compris comme totalité, c'est-à-dire comme totalitarisme dissociateur. Les "identitaires" cohérents, qui défendent aussi une forme fantasmée de "capitalisme éternel", ne renoncent à aucune forme de racisme.

Sur un autre plan, on pourra aussi s'intéresser au « pinkwashing » superficiel d'une Marine Le Pen, développé dans les années 2010 : pour développer son racisme anti-musulmans, Marine Le Pen a mis en avant l'enjeu « féministe » et « anti-homophobe », dans la mesure où la religion musulmane aurait été particulièrement sexiste et homophobe (en réalité, la religion du capital, et chaque monothéisme inclus dans cette religion, sont patriarcaux de façon générique et insupportable, mais l'identitarisme culturaliste d'extrême droite parvient à faire oublier ce fait). Ici, on doit rappeler que cette extrême droite fait des contorsions idéologiques, et qu'elle ne reste pas moins pétainiste, familialiste, et patriarcale, politiquement parlant. Un discours qui défend un capitalisme national éternel est dissociant à tous les niveaux, et ce sont ses contorsions idéologiques qui le désignent comme discours dissociant. On devra donc rappeler l'essentiel : parce qu'il existe des partis comme le FN, qui s'en prennent à la fois aux femmes, aux homosexuels, aux arabes et aux musulmans, et puisque l'ennemi commun fédère, alors en toute logique, les personnes subissant le patriarcat et les personnes subissant le racisme-colonial en France ont intérêt à se fédérer dans les luttes.

 

1 Cf. Soral, Abécédaire de la bêtise ambiante

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