Qu'est-ce que la beauté ? Enthoven qui se tait...
1) Ecrire une philosophie spectaculaire
Des « livres » de Raphaël Enthoven, il y a très peu à dire, tant leur vacuité est avérée.
Un essai symptomatique : Matière Première.
Présentation brève de Gallimard : "Comment élever la philosophie jusqu’aux objets du quotidien? Comment parler du GPS, de la carte de fidélité, de l’iPhone, des capsules Nespresso, des affiches électorales, des zones fumeurs, de la 3D, de France Info, de la baguette de tradition française, du micro-trottoir ou de Lady Gaga sans verser dans la «mode de la philosophie» qui fait des bulles en pensant le trivial? La dignité des objets que la philosophie se donne est un faux problème. À l’inverse de ceux qui, à force de demander à la philosophie d’être accessible alors qu’elle l’est déjà, en interdisent l’accès autrement que par la porte de service, l’enjeu, ici, n’est pas de descendre jusqu’au monde en simulant l’intérêt qu’on lui trouve, mais de partir de lui comme d’une matière première."
Ici, l'absence totale de critique saisissant la totalité unidimensionnelle d'un système d'abstractions réelles réifiant et prolétarisant les individus, réduits à n'être que pures ressources exploitables, confère un supplément d'âme à l'aliénation quotidienne et consentie. De façon très cynique, mais avec le sourire pédant qu'on connaît.
L'orientation devient errance suicidaire lorsqu'elle a pour vecteur la guerre du pétrole et la destruction écologique (GPS).
La sociabilité connectée au design "fun" devient dissociation criminelle lorsqu'elle dépend de l'écrasement des prolétaires chinois poussés au suicide, enfants ou adultes, dans les usines d'assemblages de smartphones, ou lorsqu'elle dépend des affections pulmonaires d'enfants congolais surexploités dans des mines de cobalt, pour produire les téléphones "high-tech" (iPhone).
La consommation du café, derrière le sourire niais et pathétique d'un clown, ou d'un George Clooney, c'est l'exploitation massive d'enfants, d'Amérique latine, d'Afrique, ou du Vietnam. La drogue que consomme le travailleur stressé, à deux doigts du burn out, des centres occidentaux branchés, lui permettra d'oublier qu'il est un esclavagiste, jusqu'à ce qu'il craque et appelle son psychiatre, avec son iPhone, et s'aide de son GPS pour s'orienter jusqu'à son cabinet. Comme destructeur et esclavagiste du quotidien qui s'ignore, même ses démarches de soin, qui voudraient réparer cette conscience morale meurtrie, ne font que détruire encore plus ce qu'il ne veut plus anéantir.
Pour ceux qui encaissent, la "séduction" hébétée d'un Clooney permettra de jeter un voile pudique sur un désir suicidaire et morbide, et transformera la misère déplorable en soi en pulsion libidinale lamentable, narcissique solipsiste et sadique, se méprisant elle-même, mais malgré elle (auto-réification).
Une affiche électorale viendra orienter cette détresse, latente ou consciente, névrotique ou psychotique, vers un espoir qui promet ce qui n'advient pas : comme figure figée, comme mise en scène hypocrite, le citoyen-travailleuse sait qu'on lui met, mais il souscrit : sa non-duperie acquiesce à l'ironie du spectacle politicard, qui se transforme en spirale cynique indéfinie : la vengeance a désormais le sourire, l'espoir, la solidarité pour principes mensongers, et c'est dans l'urne ou dans l'exclusion identitaire, dans le tweet ou par la matraque du flic, que ces sourires, espoirs, solidarités, expriment leur "vocation propre".
Les plus "sains", dans un monde qui s'autodétruit, n'encaissent pas sa violence, et fument compulsivement : ils seront parqués dans des zones restrictives, où on les jugera bientôt. Sur leur paquet, un système sadique montre leur cadavre précoce à venir, leurs poumons délabrés, un enfant qui fume, un parent qui lui crache sa fumée à la figure, un nourrisson qui est mort (à cause d'eux), un trou dans la gorge. L'Etat s'enrichit substantiellement "grâce" à ces cigarettes, mais il veut taxer encore davantage les fumeuses et fumeurs qui lui reversent ces sommes quotidiennement, alors qu'ils sont déjà sacrément névrosés (si ce n'est plus) : il veut accroître leurs dissociations psychiques, les encourager à consommer un produit pour mieux exhiber son potentiel meurtrier, pour mieux rendre très visible leur désir suicidaire, qui était pourtant déjà assez explicite pour eux, pour elles.
Pourtant, sur l'emballage d'un smartphone, du café, il n'y a pas d'informations explicites : pourquoi ne pas mettre, sur l'emballage du smartphone, la photo de l'enfant congolais qui étouffe, dans l'usine de cobalt ? Ou la photo d'une usine d'assemblage chinoise, où les prolétaires sont entassé-e-s, et traité-e-s comme du bétail ? Pourquoi ne pas mettre, sur l'emballage du café, un enfant exploité sauvagement, pour que l'urbain occidental branché puisse se "motiver" avant une journée de travail ? Pourquoi ne pas mettre, sur l'emballage d'un GPS, les images des corps déchiquetés, conséquences de la guerre du pétrole, ou des accidents de la route ? Ou encore les prédictions climatiques à moyen terme, si nous continuons à "rouler", à bord de ce bolide enragé et polluant qui va bientôt se fracasser contre un mur (le capitalisme mondialisé) ?
La "baguette" française, ici, devient celle du professeur de philosophie français, qui enfume son auditoire, avec ses références fumeuses et livresques, pour que le désastre ne soit surtout jamais dit, ou apparent. On y met autant de confiture qu'on manque d'une culture sociale, empirique, véridiques : enfermé dans ses propres zones académiques ou spectaculaire séparées de la complexité du monde, essentiellement souffrante, Enthoven, ou tout autre philosophe de service, traitera avec la plus grande désinvolture des phénomènes qui concentrent une affectivité tragique atroce et désolante.
Lady Gaga, dans ce contexte, qui défend idéologiquement des positions "politique" qui paraissent justes (anti-fascisme, anti-homophobie, féminisme), mais dans le royaume du fric, de la manipulation, et de l'humiliation (spectacle capitaliste), par lequel chaque consommateur-travailleuse anonyme se sent moche, ignorée, banal, "normalisée", s'atomise, se désole narcissiquement, se nombrilise, oublie toujours plus que son GPS, son iPhone, son café, son droit de vote, ses clopes, son quotidien donc, favorisent la guerre, l'étouffement des enfants, les meurtres de masse, et l'extinction précoce de toute vie sur terre, cette Lady Gaga, qui fait de nous des huîtres hébétées complètement gaga, ne serait "glorifiée" pour son "combat politique" que de façon atrocement niaise, naïve, et encuculante (Gombrowicz, Ferdydurke) : de façon à maintenir, autrement dit, les individus sensibles et affectés sous une tutelle insupportable, qui fait d'eux des bourreaux extrêmes, dans la banalité de leur quotidien, mais tout à fait malgré eux. Ils le font sans le savoir (Marx, Capital, I, chapitre 1).
Seule une critique radicale du dit "réel" aurait pu adéquatement rendre compte des thèmes qu'Enthoven aura traités dans son ouvrage stupide et indigent.
Il n'aura pas su comprendre une seule seconde cette idée d'Arendt, et c'est son très grand tort :
"Le mal peut être à la fois banal et extrême. Seul le bien est radical."
En un certain sens, on pourrait dire qu'Enthoven (tout comme Onfray, Finkielkraut, Zemmour, ou d'autres, dans leurs secteurs respectifs), sera la "Lady Gaga" du concept.
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Le travail des enfants derrière la production de smartphones et de voitures électriques
De grandes marques électroniques, comme Apple, Samsung et Sony, n'effectuent pas les contrôles élémentaires afin de vérifier que la fabrication de leurs produits n'intègre pas de cobalt extra...
Ce que l'idéologue Enthoven ne dit pas : rendre la misère "divertissante" ou "fun"
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https://xconfrontationx.wordpress.com/2015/03/02/le-gout-amer-du-cafe/
Ce que l'idéologue Enthoven ne dit pas : rendre la misère "divertissante" ou "fun"
Ce que "raconte" Enthoven
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Samsung a décidé, lundi, de suspendre temporairement sa collaboration avec un fournisseur chinois accusé de faire travailler des mineurs de moins de 16 ans. Ce n'est pas la première fois que le...
Ce que l'idéologue Enthoven ne dit pas : rendre la misère "divertissante" ou "fun"
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Nigeria: le pétrole, un cadeau empoisonné qui fait des ravages
Rivière polluée par le pétrole dans le village de Bodo (delta du Niger) en Juin 2006 GEOPOLIS - Des millions de litres de pétrole déversés dans les rivières et les ruisseaux. La pollution d...
http://geopolis.francetvinfo.fr/nigeria-le-petrole-un-cadeau-empoisonne-qui-fait-des-ravages-57173
Ce que l'idéologue Enthoven ne dit pas : rendre la misère "divertissante" ou "fun"
2) L'émission "Philosophie", sur Arte
La désinvolture, la pédanterie, la préciosité vaine d’un Enthoven, donnent un certain « ton » unifié, qui pourrait un jour devenir, hélas, celui de toute philosophie, si l’on n’est pas plus attentif.
Enthoven a choisi de présenter sa propre émission : Philosophie, sur Arte.
Non pas critiquer, de façon stérile, le système « de l'extérieur », en homme indigné du ressentiment, mais « changer les règles », « offrir du contenu », dans la mesure du possible, « à l'intérieur » du système : cela est sûrement louable, du moins affirmatif, positif, concret.
Voici donc Enthoven, un homme brillant, d'une culture hallucinante, possédant un don rhétorique indubitable, et une capacité pédagogique indéniable. Il fait un excellent professeur de lycée, mais sans lycéens, à la télévision.
Mais là est aussi le problème : ce type d'enseignement, très académique, ne cherche pas à construire, à transmettre la capacité d'élaboration d'une pensée critique et/ou axiologique, mais procède par petites touches fragmentaires, sans lien entre elles. Hegel dirait que cette démarche nous renvoie à une pure expansion indéfinie, privée de la force qui pourrait rassembler finalement ses « morceaux » épars.
Cette attitude, scolaire, on pourrait la rattacher à la conception du « programme par notions » : la philosophie en terminale comme discipline « spéciale et séparée ». Cette conception, trop souvent mal interprétée, pourrait en en impliquer deux autres, dangereuses :
Première conception fallacieuse : ce qui est séparé par abstraction, les notions prises chacune à part, ne doit pas nécessairement être relié dans un deuxième temps de façon systématique ; certes, il y a des recoupements possibles, mais ces recoupements ne doivent pas occulter l'identité analytique et les contours fixes des notions prises individuellement, la philosophie étant avant tout affaire d'analyse, et non de synthèse.
La synthèse peut donc être associée à la confusion épistémologique (« tout est dans tout ») ; mais aussi, implicitement, à un « mal » moral : à une forme de systématicité abstraite et mutilante, à une forme de totalisation abusive… potentiellement « totalitaire », ou autoritaire.
Commentaire 1 : On peut voir là le triomphe, certes temporaire, et dépassable, d’une certaine dérive « analytique » (libérale), sur la pensée soucieuse de décrire le monde comme monde complexe et plein, et non simplement comme « faits de langage » purs, divisibles indéfiniment.
Cette victoire du logicisme à l'état pur, de l'empirisme rationaliste poussé à son extrême, encourage une dévitalisation totale des langages et de leurs contenus affectifs et concrets, dévitalisation symptomatique du formalisme sans contenu de nos axiologies modernes.
On a donc le symptôme d’une victoire du fragment, quant à lui réellement simplifiant, mutilant, impérialiste, obsessionnel, puisque est préjugée l'idée qu'une simple analyse des actes de langage permettrait de tout « valider » (ou « invalider ») : cette occultation de l'intuition, de la vitalité pré-thématique, qui conditionne tout langage, et qui permet son incarnation, encourage une « pensée de zombies », qui ne semble plus vraiment avoir d’enjeux décisifs.
Les « jeux de langage » qui « instruisent » l’élève de philosophie finissent par avoir autant d’enjeux pour lui que des « formules mathématiques », qui ne « lui serviront plus » dans la « vraie vie ».
Un certain tropisme "anglo-saxon", intrinsèquement libéral, semble donc orienter quelque philosophie française, obsédée superficiellement par des penseurs allemands. C'est ce tropisme qui paraîtra opérer une synthèse, mais de l'extérieur, et de façon impensée.
Deuxième conception fallacieuse : la philosophie serait une sorte de culture générale possédant un supplément d'âme (la « notion » d'âme, précisément). Mais elle consisterait, fondamentalement, pour le transmetteur, à délivrer des savoirs « positifs », au même titre que toute autre « discipline » digne de ce nom. Par exemple, la « notion » serait à la discipline scolaire philosophique, ce que la « formule mathématique », à « apprendre par cœur », serait à la discipline scolaire que sont les mathématiques.
Commentaire 2 : Une telle approche, qui tend à faire de la philosophie une question technique parmi d'autres, la prive, encore une fois, de tous les enjeux éthiques, existentiels, politiques, ou poétiques dont elle est imprégnée.
Les professeurs de la philosophie en lycée, très souvent soucieux de transmettre plus que des formes rhétoriques ou que des techniques analytiques, tentent parfois de lutter contre ces tendances. Mais la mise en scène spectaculaire de leur passion, ainsi qu’un certain académisme « officiel », sont autant d’obstacles à des transmissions synthétiques qui dépassent l’enjeu d’un « examen ».
Pour bien éclairer une certaine démarche « enthovenienne », prenons le déroulement-type de son émission Philosophie : un spécialiste d'une question ou « notion » précise déambule dans les rues de Paris avec lui, qui porte souvent un livre à la main, « la marche étant le vecteur de la pensée ». « Du Nietzsche » spectacularisé, mis en scène, dévoyé, sympathique mais sans plus. Une citation est souvent proposée, puis un rapide commentaire de texte, puis un essai de dialogue ; tout est prévu pour que cela n'ait pas l'air prévisible et planifié : il y a, en quelque sorte, devant nos yeux, la réification, se déployant, du mouvement de la pensée, à travers la tentative de seulement mimer, hypocritement, ce « mouvement ». Puis, enfin, une analyse d'images, tableaux, oeuvres d'art, en lien avec la « notion », et qui donnent à penser, et qui sont l'occasion d'ouvertures transcendantes et édifiantes. Tout ce processus bon enfant divertit et instruit, les mots sont choisis, pesés, la culture est transmise, le spectateur se délecte. Mais il n'y a là que pédagogie, instruction civique, apprentissage d'une citoyenneté policée, polie, dotée de références claires, mais, au fond, acritique. Car nulle suggestion de rapprochements, de synthèses, de dépassements, n'est ici proposée. Surtout, on ne voit pas une seule seconde en quoi cette « philosophie » devra à présent changer le monde, et en quoi ce qu’elle aura dévoilé incite une praxis, une politique, une révolte, déterminées. Ayant, éteint sa télévision, le spectateur reprend son Télérama, et dans une heure, trop souvent, toutes ces bouillies de mots se seront confondues dans son esprit « curieux », ou vaguement « intéressé ».
On en revient donc à la thèse de départ : compte l'acte performatif de parler pour se montrer, le reste demeurant secondaire, un prétexte.
3) Mars 2016. Une "pastille" sur Europe 1, à propos de NKM
En mars 2016, nous avons pu goûter à une petite « pastille » enthovenienne, sur Europe 1, tout à fait déconcertante. Le « philosophe de service » ainsi donc, « réagit » de façon « philosophique », à une phrase de Nathalie Kosciusko-Morizet qui aurait provoqué un « buzz » certain (très vite oublié, et recouvert par les myriades d’autres « buzz », eux-mêmes inessentiels) : « Je suis en mode greffage de couilles ».
Le « penseur » nous proposa ainsi une analyse édifiante, métaphysique et profonde, de l’histoire de la couille, de ses implications anthropologiques et symboliques, comme pour sonder, de façon sympathique et grisante, l’inconscient d’une « Politique » qui aurait plus à nous dire que ce qu’elle dit (sans souligner bien sûr la dimension profondément sexiste de sa propre situation).
Cette intervention de Raphaël Enthoven est assez pathétique à dire vrai ; nous avons besoin de philosophie politique construite aujourd'hui, et non de petites réactions médiocres à des phrases de "Politiques" elles-mêmes anecdotiques (quoique révélant malgré tout des logiques patriarcales insidieuses, et cette fois-ci, inconscientes en un sens réellement problématique, logiques que notre "philosophe" divertissant se gardera bien de déconstruire).
Si les "représentants" de la philosophie dans les médias finissent par mettre leurs "compétences" au service de "problèmes" aussi dénués d'enjeux, c'est la philosophie elle-même qui se voit mortellement atteinte. Quel est le message implicitement renvoyé ici au fond ? Le message est le suivant : la philosophie ne serait plus qu'un divertissement médiatique inessentiel, qui jouerait le même jeu que jouent les agents d'entretien du système politique-spectaculaire (le jeu de la petite phrase) ; le discours est ici réduit à sa fonction phatique, il n'est plus que pure communication (d'ailleurs, Enthoven, systématiquement, se moque bien du contenu de son dire : ce qui compte au fond est d'apparaître, d'exhiber un vernis culturel contingent).
« En concentrant en elle l’image d’un rôle possible, la vedette, la représentation spectaculaire de l’homme vivant, concentre donc cette banalité. La condition de vedette est la spécialisation du vécu apparent, l’objet de l’identification à la vie apparente sans profondeur, qui doit compenser l’émiettement des spécialisations productives effectivement vécues. Les vedettes existent pour figurer des types variés de styles de vie et de styles de compréhension de la société, libres de s’exercer globalement. Elles incarnent le résultat inaccessible du travail social, en mimant des sous-produits de ce travail qui sont magiquement transférés au-dessus de lui comme son but : le pouvoir et les vacances, la décision et la consommation qui sont au commencement et à la fin d’un processus indiscuté. Là, c’est le pouvoir gouvernemental qui se personnalise en pseudo-vedette ; ici c’est la vedette de la consommation qui se fait plébisciter en tant que pseudo-pouvoir sur le vécu. Mais, de même que ces activités de la vedette ne sont pas réellement globales, elles ne sont pas variées. »
Guy Debord, La société du spectacle
Précision : le sexisme en politique n'est pas que l'occasion de développer des jeux rhétoriques pédants et creux, c'est avant tout une réalité désolante.
Extrait :
Il existe une "forte résistance du champ politique à la féminisation. En effet, les femmes y subissent des discriminations spécifiques, qui sont épargnées aux hommes, et qui ont pour résultat d’amoindrir leur légitimité et leur autorité politiques et de rendre l’exercice de l’action politique plus pénible et décourageant pour elles que pour leurs collègues masculins. Pour s’en tenir aux discours et aux représentations, les femmes font bien plus souvent que les hommes l’objet d’interrogations sur leur vie privée. Elles ont le sentiment de devoir rendre des comptes sur cette dimension de leur vie, de devoir faire la preuve de leur féminité à travers le statut d’épouse et de mère. De fait, la femme célibataire et/ou sans enfant est souvent exposée à des insinuations, des rumeurs, voire de véritables agressions, comme dans cette interpellation subie par Arlette Laguillier lors d’un passage à « L’Heure de vérité » sur Antenne 2 : « N’avez-vous pas l’impression d’avoir raté votre vie de femme ? » Le fait d’occuper une position d’autorité et de pouvoir est encore si peu associé à la féminité que les élues sont souvent confrontées à des situations qui les nient dans leur fonction politique. Beaucoup racontent que, lors des cérémonies officielles, les huissiers les orientent spontanément vers la rangée des épouses, ou se plaignent de subir bien plus de désintérêt et de brouhaha que leurs collègues masculins lors de leurs prises de parole publiques… Par ailleurs, les femmes politiques sont souvent la cible d’une hostilité qui vise non seulement leur action (comme c’est aussi le cas des hommes), mais aussi leur identité féminine. Nombreuses sont celles qui dénoncent ainsi la grivoiserie, voire les injures sexuelles dont elles ont été les victimes, parfois du fait d’anonymes (tracts, affiches électorales taguées) ou de manifestants (alors ministre de l’Environnement, Dominique Voynet fut traitée de « salope » lors d’un salon de l’Agriculture), mais parfois aussi dans les assemblées politiques : il n’y a pas dix ans, Roselyne Bachelot affirmait que l’injure sexiste était monnaie courante au Palais Bourbon (« L’Assemblée nationale est un haut lieu du machisme et du sexisme en France, l’ambiance y est celle d’une chambrée de caserne »). Dans tous les cas, l’agression sexiste révèle combien la femme n’a pas encore, en politique, la même légitimité que l’homme, si bien qu’elle n’est pas autant protégée que lui par sa fonction – le traitement infligé à Édith Cresson lors de son accession à Matignon en 1991 est ici très éloquent…"
La femme invisible. Sur l'imaginaire du pouvoir politique., de G.Derville et S.Pionchon
Conclusion sur cette "affaire" :
La dimension "amusante" ou "divertissante" des "pastilles" enthoveniennes n'est donc pas dénuée d'enjeux "sérieux" : car elle permet de rendre risibles et légères de questions sociales graves et douloureuses. D'où la dimension directement idéologique et politique (c'est-à-dire conservatrice, au sens strict), des interventions lamentables de ce "philosophe de service".
"Divertissement" follement "spirituel"
4) Août 2016. Une bêtise "philosophiquement" autosatisfaite qui émet des "tweets".
14 août 2016.
Un tweet d'Enthoven :
"Les partisans du burkini défendent-ils, au nom de la tolérance qu'ils invoquent, le port du string sur les plages saoudiennes?"
A ce sujet, l'extrait d'un article très juste et très précis, lu sur "Info-Antiraciste", exprimera les choses encore mieux.
Extrait :
"Cet été 2016, le « burkini » est un événement. Nul n'est pourtant en mesure de fournir la moindre indication sur le nombre de femmes qui le portent sur la plage. Douze, cent, cent mille, nous n'en saurons rien. Ce n'est pas la quantité qui crée l'événement, et nul n'est en mesure non plus, de dire s'il y en a moins ou plus que l'an dernier.
L'événement concernant le port du burkini est créé par celles et ceux qui ont le pouvoir d'en faire un problème, d'imposer socialement l'idée que ce que font deux ou cent femmes de leur corps nous regarde toutes et tous. Lorsque des partis politiques comme le FN et les Républicains reprennent les campagnes d'agitation raciste menée par des activistes islamophobes de tous les bords politiques, l'événement s'impose.
Cet été 2016, les appels insidieux ou ouverts à la ratonnade, et les tentatives de ratonnade ne sont, eux , pas un événement et encore moins un problème. Depuis le début de l'été, en toute impunité, l'extrême-droite s'est lancée dans des campagnes de harcèlement des femmes voilées sur les lieux touristiques. La pratique consiste à prendre en photo des femmes sur les plages, dans les parcs d'attraction puis à diffuser ces photos sur internet. On en trouvera un bon exemple sur le site Riposte Laïque, où l'un des articles vedettes est actuellement le récit accompagné de photos d'une militante qui est allée à la Mer de Sable et se vante d'avoir pris une centaine de clichés de femmes voilées dans la journée. Dans les commentaires, d'autres militants racistes racontent des pratiques similaires un peu partout en France. Naturellement on y trouve également des appels à l'agression caractérisée comme dans les commentaires reproduits ici où d'aucuns préconisent l'usage du pistolet à eau chargé de sang de porc.Une dérive hallucinatoire qui en dit long sur l'état d'esprit des individus concernés."
Extrait de l'article "Le burkini, la ratonnade, l'événement et sa fabrique raciste" du 16 août 2016, in : Info-Antiraciste
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Le burkini, la ratonnade, l'évènement et sa fabrique raciste
Cet été 2016, les appels insidieux ou ouverts à la ratonnade, et les tentatives de ratonnade ne sont, eux , pas un événement et encore moins un problème. Depuis le début de l'été, en toute...
https://www.infolibertaire.net/le-burkini-la-ratonnade-levenement-et-sa-fabrique-raciste-2/
Le burkini : un écran de fumée