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Dans le premier volume de l'Histoire de la sexualité, Foucault propose une analyse originale des phénomènes que nous désignons par le « sexe » et la sexualité. Faisant l'archéologie des discours sur la sexualité (littérature érotique, confession, médecine, anthropologie, psychanalyse, droit, etc.) depuis le XVIIéme siècle, il n'entend pas renforcer conceptuellement ce qu'il appelle « l'hypothèse répressive », soit l'hypothèse selon laquelle c'est un pouvoir qui censure, réprime ou bride la sexualité qui s'est imposé à partir de l'explosion discursive de l'âge classique, mais il tend au contraire à formuler l'ambiguïté de notre situation relativement à la manière dont nous thématisons le sexe : l'attitude de censure et celle d'affranchissement se rencontreraient finalement dans le même type de présupposé ; le sexe serait conçu comme une force mystérieuse, quoique partout efficiente, qui serait à la base de tous les phénomènes de notre vie, et qui commanderait l'ensemble de l'existence sociale ; notre obsession nouvelle, qui est certes normative et vise dans certains cas la prohibition pure et simple, serait aussi à l'origine de l'implantation et du renforcement d'une pluralité de sexualités polymorphes. Autrement dit, dès le XVIIème siècle, et surtout au XIXème siècle, nous commençons à parler du sexe, à en faire un thème à part entière, qu'une science constituée est susceptible de prendre en charge à travers le déploiement d'une rationalité inédite, et cette volonté systématique de tout savoir sur le sexe, qui ouvre la voie à une certaine administration des vies individuelles, relève moins d'un pouvoir énonçant quelque règle d'interdiction absolue, que d'un pouvoir-savoir intensifiant en le révélant ce sur quoi il s'applique.

Ce que Foucault ne voit pas, c'est que ces développements normatifs sont indissociables de la dialectique, propre à la valorisation moderne de la valeur, interne à la catégorie du travail abstrait. Foucault tentera de penser quelque « biopouvoir » moderne, éparpillé dans des « foyers locaux de pouvoirs-savoirs », mais il ne verra pas que cette dimension « biologisante » de la domination renvoie essentiellement à la réduction physiologique et énergétique induite par la catégorie capitaliste de travail abstrait. Il pense essentiellement, d'ailleurs, la question d'une domination politique (ou étatique) se disséminant, mais il ne voit pas que cet Etat est une fonction d'encadrement qui dérive structurellement du procès de valorisation capitaliste, et de l'automouvement de ses catégories (marchandise, argent, travail). Il s'agira donc de s'approprier le matériau empirique fourni par Foucault, pour penser la dissociation sexuelle-patriarcale de la valeur, et pour critiquer radicalement les catégories de base du capitalisme, ainsi que l'Etat qui les gères fonctionnellement, mais en dépassant donc les outils critiques encore limités de Foucault lui-même.


 

Comme le dit Foucault, la scientia sexualis, pose une question technique, épistémologique : « comment est-on parvenu à constituer cette immense et traditionnelle extorsion d'aveu sexuel dans des formes scientifiques ? » La question concerne le passage de la figure du prêtre à celle du « médecin du sexe » du XIXème siècle. Sa réponse se formule en cinq temps :

  1. « Par une codification clinique du faire-parler ». L'examen clinique vient compléter la confession. Il y a là une symptomatologie de l'aveu qui est postulée, où la rationalité scientifique doit pouvoir féconder, autant qu'elle est fécondée par elle, la parole du patient. Deux types de discours s'entremêlent et se contaminent mutuellement, l'un subjectif, introspectif, l'autre objectif et expérimental.

  2. « Par le postulat d'une causalité générale et diffuse ». Le sexe devient « cause de tout et de n'importe quoi », à la manière d'une dépense d'énergie impersonnelle, abstraite et générale.

  3. « Par le principe d'une latence intrinsèque à la sexualité ». Le sexe fonctionne comme une force occulte qu'il faut débusquer, partout présente, insidieusement quoique nécessairement.

  4. « Par la méthode de l'interprétation ». Est encore en jeu une symptomatologie de l'aveu. Celui qui avoue ne sait pas ce qu'il dit, il a besoin d'un traducteur qui viendra déchiffrer son dire, l'apporter dans sa pleine lumière « scientifique ».

  5. « Par la médicalisation des effets de l'aveu ». L'aveu de son sexe face au médecin rend possible un nouveau régime dans lequel s'insère la sexualité, celui du normal et du pathologique. Le médecin ne sanctionne plus la faute, à la manière du prêtre, mais il transpose son jugement dans une sphère où l'appréciation morale n'est pas absente : le sexe pathologique est en effet une catégorie qui découle d'une sacralisation du sexe, d'un voilement du dévoilé par la supposition d'une omniprésence de l'objet. Les termes apparemment objectifs, apparemment dépouillés de toute perspective morale, de normal et de pathologique, sont, dans ce contexte, d'autant plus ambigus qu'ils prolongent en fait ce qui se jouait lors de l'aveu dans le confessionnal, pour radicaliser des assignations/sectorisations fonctionnelles.


 

On devra dire que cette dialectique se meut structurellement autour de l'opposition fonctionnelle, propre à la dissociation sexuelle-patriarcale de la valeur, entre les formes abstraites de la gestion masculine bourgeoise (argent, marchandise, valeur), et le vécu dissocié et assigné du « féminin », ou du « féminisé ». Briser ces assignations, abolir ces totalisations abstraites, cette totalité brisée, suppose l'abolition des catégories de base du capitalisme que sont l'argent, la marchandise, la valeur, le travail abstrait, et de la fonction politique étatique dérivant de ces catégories. La biologisation indifférenciée, médicale, normative ou légale, qui est à l'oeuvre dans cette « science du sexe », renvoie bien à la biologisation induite par le travail abstrait (réduction de l'activité humaine à une pure dépense d'énergie indifférenciée, en vue de la valoriser et de la structurer). Abolir les conséquences réifiantes ou destructrices de cette biologisation formelle, c'est nécessairement abolir le procès moderne de valorisation.

On notera également qu'on assiste aussi ici, via une discursivité spéciale, à une prolétarisation des sexualités, analogiquement parlant, en un sens lukacsien assez strict. Les procédures de l'aveu, le discours sur son propre sexe, encadrées par une rationalité instrumentale séparée, ainsi que la détermination impersonnelle de la « sexualité en générale », deviennent des vecteurs de dépossession, par lesquels la personne, toujours plus, semble contempler de l'extérieur ses propres actes « sexuels » abstractifiés, de même qu'elle contemplerait son activité productive objectivée et réduite à une dépense énergétique indifférenciée, en tant que rouage-productif. La psychanalyse, isolant un désir abstrait et impersonnel (« libido »), intrinsèquement conditionnée, donc, par la catégorie du travail abstrait, mais systématisant aussi les procédures de l'aveu, radicalisera ces auto-assignations, prolétarisations, et dépossessions modernes.

Foucault remettra en cause la conception traditionnelle du pouvoir. Le « biopouvoir » moderne aurait transformé structurellement les relations de pouvoir. « L'instance de la règle » est ainsi un trait de l'entente courante du pouvoir dont Foucault veut s'affranchir. C'est la conception « juridico-discursive » du pouvoir qu'il réfute. En effet, la scientia sexualis, si elle est certes l'exercice d'un pouvoir, parce qu'elle privilégie toutefois la procédure de l'aveu, ne renvoie pas à une figure du pouvoir qui énonce elle-même le vrai, mais à un pouvoir-savoir qui laisse la vérité du sexe se dire par la bouche de celui sur qui il s'exerce, ce dernier pouvant dès lors être lui aussi le vecteur de la règle et de la normativité. Dans les relations de pouvoir envisagées par Foucault, la règle ne s'applique pas de façon unilatérale, mais elle surgit dialectiquement, partout où il y a discours, en des pôles opposés et inégaux quoique complémentaires.

Par ailleurs, Foucault remet en cause également le « cycle de l'interdit » qui serait propre au pouvoir. Avec le « cycle de l'interdit », on aurait affaire à un pouvoir unilatéral, bien localisé, qui aurait le monopole de l'apparaître et qui exigerait l'inexistence ou la suppression pure et simple de ce qui est prohibé. Or, il y a dans le pouvoir-savoir que Foucault envisage une dialectique subtile de prohibition-incitation, une confirmation-implantation du sexe qui est par ailleurs dénoncé, de par l'exigence de sa mise en discours systématique, et cela jusque dans la confession chrétienne, puisque celle-ci relèverait, en dernière analyse, d'une logique comparable à celle qui meut le libertin dans ses confessions écrites. L'interdiction du sexe ne saurait être affirmée sans nuance et sans que soient soulignées ses ambiguïtés.

La « logique de la censure » ne résume pas non plus l'exercice du pouvoir. En effet, les victoriens eux-mêmes, en faisant du sexe le mystère central des existences, le principe explicatif d'un tout physiologique, psychiatrique, sociologique et économique, ont favorisé, bien qu'ils l'aient codifiée, la mise en discours du sexe, et n'ont pas bridé les aveux, ce qui ressemble bien peu à une censure, même si c'est l'exercice d'un pouvoir qui là était en jeu.

On doit rattacher cette dynamique d'auto-assignation par les individus normés à la dialectique d'une atomisation des individus, au fil du procès de valorisation, qui implique qu'ils finissent par intérioriser l'opposition fonctionnelle entre gestion et exploitation. Cette dynamique se radicalise durant la période fordiste, dans laquelle les individus sont toujours plus disloqués, spécialisés, divisés industriellement, dans le même temps où ils sont toujours plus formellement et juridiquement « responsabilisés », comme « citoyens » abstraits. Dans le processus de crise, les déclassements, précarisations, ou exclusions, n'abolissent pas cette opposition fonctionnelle intériorisée, et donc cette dynamique d'auto-répression, mais la radicalise, en radicalisant aussi son refoulement. On pourra donc rattacher le matériau empirique et historique dégagé par Foucault à un point de vue matérialiste historique, en le reliant à la logique évolutive du travail abstrait (au sens lukacsien).

Finalement, nous dit Foucault, le pouvoir moderne ne serait pas constitué par une situation de domination partageant deux groupes bien distincts. Avec Foucault, il s'agirait donc de partir des affrontements intersubjectifs eux-mêmes, des cas concrets et singuliers, localisés, à partir desquels seulement des clivages plus généraux peuvent s'établir. C'est bien la dynamique située du pouvoir qui l'intéresse, son exercice mobile, plus que ses conséquences figées, l'état de fait sur lequel il est susceptible de déboucher. Dans nos sociétés, selon Foucault, ce ne seraient plus le droit, la loi, ou le sommet de l'Etat qui résumeraient l'exercice du pouvoir, mais une certaine technologie normative interviendrait, de façon disséminée, organisant positivement la façon dont sont vécues les existences individuelles.

Foucault ici est confronté à la dimension impersonnelle des catégories capitalistes (marchandise, travail abstrait, valeur, argent). Mais il ne cerne, pas, derrière l'éparpillement des foyers locaux de pouvoir-savoir, la fonction synthétisante et totalisante de telles catégories. Il ne voit pas que c'est parce que de telles catégories abstraites finissent toujours plus par s'autonomiser à l'égard des gestionnaires eux-mêmes, par les déposséder eux-mêmes, que l'opposition entre gestion et production sociale est toujours plus masquée, dans le même temps où elle est toujours plus violente, marquée, dissociatrice et aggravée. Ainsi, Foucault, à travers son éparpillement, semble s'être laissé lui-même emporté dans la « religion fétichiste-marchande » quotidienne, dans une vision tronquée du social, dans la dynamique auto-réductrice d'aggravation du refoulement de la dissociation-valeur, propre au processus capitaliste de crise, et n'aperçoit pas que l'opposition fonctionnelle entre gestion et production est maintenue, dans le même temps où elle est dialectiquement intériorisée par les individus. On pourra néanmoins saisir la dynamique de dissociation du pouvoir identifiée par Foucault en l'insérant dans un processus plus structurel, concernant la logique évolutive, historique, du travail abstrait, impliquant intériorisations, atomisations, refoulements, auto-assignations et prolétarisations divers.

Malgré ces limitations, Foucault dégagea des données empiriques qui peuvent être précieuses du point de vue de la critique de la dissociation-valeur, si l'on radicalise l'intention, et si on les oriente vers une critique stricte des catégories de base du capitalisme, et de la fonction politique qui les gère. Ainsi, Foucault dénombre « quatre grands ensembles stratégiques » qui à partir du XVIIIème siècle « développent à propos du sexe des dispositifs spécifiques de savoir et de pouvoir ». Tâchons de dégager le sens de chacun de ces ensembles.

Il y aurait, d'une part, « l'hystérisation du corps de la femme ». Foucault envisage non pas la manière dont la femme vit effectivement sa sexualité, mais plutôt la manière dont cette sexualité est devenue un enjeu médical, social, familial et biologico-moral. Le corps de la femme et la manière dont elle l'éprouve n'est pas une affaire qui la concernerait elle seule, mais il renvoie au problème de la gestion d'un ensemble plus vaste. Ce corps fonctionne comme symbole des dysfonctionnements plus généraux qui peuvent affecter la famille et la société, il est le lieu de tous les fantasmes, de toutes les peurs, et donc de toutes les préventions. Est en jeu, dans cette mise en discours du corps féminin, le souci de la spécification, de l'incorporation, souci visant la détermination du pathologique et du déviant. S'affirme également cette obsession angoissée du sexe, que l'on croit pouvoir débusquer partout, en l'identifiant à une puissance occulte dont la causalité serait générale et diffuse. Cette dynamique, rattachée à la dialectique évolutive de la dissociation-valeur, et à la critique radicale de la dimension biologisante du travail abstrait, pourrait être rattachée à la critique radicale des catégories de base du capitalisme (marchandise, valeur). L'abolition de cette dynamique d'assignation sexuelle supposerait l'abolition de la dynamique de valorisation marchande.

D'autre part, il y aurait la « pédagogisation du sexe de l'enfant ». Ici se joue la dialectique du naturel et du contre-nature, redoublement de la dialectique de voilement-dévoilement. L'enfance dissociée, mais tout à la fois soumise aux injonctions productivistes, en tant que « formée », « éduquée », « instruite », subit finalement, elle aussi, la violence de la dissociation sexuelle-patriarcale de la valeur.

Il y aurait en outre la « socialisation des conduites procréatrices ». La sphère publique pénètre ainsi, avec ses exigences, les foyers privés, et jusque dans la chambre des couples. Le sexe n'est pas tant le secret, l'inexistant, le censuré, qu'il devient un enjeu économique et politique assumé, qui se déclare, et suppose une technologie précise. La subsomption toujours plus réelle de la « famille », elle-même auto-assignée, sous la valeur, engendre des confusions totalitaires entre public et privé, qui correspond aussi à la colonisation de la structure marchande au sein de l'intime.

Enfin, il y aurait la « psychiatrisation du plaisir pervers ». Cette psychiatrisation tend à substituer les catégories du normal et du pathologique à celles de la faute et du péché. Le médecin prend la relève du prêtre dans la détermination d'une vérité sur le sexe, dans le cadre d'une rationalité balbutiante et précaire. Comme on a pu le voir, les évaluations morales ne sont pas absentes à travers une telle psychiatrisation : l'aveu lors de l'entretien médical demeure une procédure impliquant une condamnation implicite du déviant qui se confesse. C'est ici qu'une homophobie, puis une transphobie structurelles, inhérentes à la dissociation-valeur, pourront s'implanter et se développer, tant idéologiquement que socialement.

Ces quatre grands ensembles étant nommés, Foucault formule une hypothèse centrale. Dans ces stratégies, il s'agirait moins d'une lutte contre la sexualité, ou d'une prise de contrôle, que de « la production même de la sexualité ». Autrement dit, il semble que Foucault distingue la sexualité, qui serait une pratique publique-privée, socialisée, verbalisée, thématisée, et organisée, du sexe proprement dit, entendu comme acte physique extérieur au langage, comme fait brut et nu. L'enfant, par exemple, n'aurait eu une sexualité véritable que dès lors que les médecins, pédagogues, maîtres et parents, auraient fait de son sexe un enjeu dont il faut parler, inscrivant cette préoccupation dans l'organisation spatiale de la maisonnée et des établissements scolaires, ou dans le système des punitions et récompenses. La sexualité ne se vivrait pas solitairement, mais elle relèverait d'une introduction de la pratique sexuelle dans des dispositifs de pouvoir-savoir déterminés, où la parole et le discours joueraient un rôle central. En ce sens, on peut dire que la sexualité n'est pas une donnée naturelle, une structure a priori, mais un phénomène historiquement situé, spécifiquement moderne. La « famille », de même, au sens biologisant, sera une construction moderne. Elle devient ainsi le lieu où les deux dispositifs, public et privé, se soutiennent mutuellement, et renvoient l'un à l'autre. L'originalité du dispositif de sexualité c'est, pourrait-on dire, une dialectique de l'intérieur et de l'extérieur : étant centré sur l'intensité des plaisirs du corps, il spécifie ce corps même, il détermine une nature intime propre à l'individu hystérique, masturbatoire ou pervers, il favorise en somme une intériorisation par chacun de propriétés marquées, mais d'un autre côté, ses instances de régulation viennent imposer leurs normes de l'extérieur, il relève d'une intrusion indiscrète où l'extérieur vient coloniser l'intérieur.

Selon notre perspective radicalisant Foucault, et catégorielle, on pourrait dire que la « sexualité » comme énergie abstraite et indifférenciée, et l'idée corrélative, biologisante, de « famille », surgissent sur la base de la dissociation sexuelle-patriarcale de la valeur, et qu'elles se développent en relation avec l'aggravation de cette dissociation. Plus spécifiquement, concernant le « sexuel » lui-même, lorsqu'au XXème siècle (1968), certains mouvements d'émancipation ont voulu défendre ladite « sexualité », comme abstraction indifférenciée (comme « énergie » indifférenciée), ils faisaient référence, en parlant de « sexualité », quoique sans le savoir, aux mécanismes de régulation du sexe qui avaient été mis en place dès le XVIIIème siècle, et qui s'inséraient dans la dissociation sexuelle-patriarcale totalitaire de la valeur (ils faisaient référence au travail abstrait, et étaient susceptibles de se réapproprier cette catégorie, au lieu de vouloir l'abolir). Ces mouvements de contestation, certes, critiquant parfois les assignations de genre (sexisme), de sexualité (hétérocentrisme) ou les inégalités matérielles entre les hommes et les femmes, purent constituer aussi des véritables contre-tendances, face au développement de la dissociation-valeur. Mais en tant qu'ils ne remirent pas en cause finalement l'abstraction indifférenciée du « sexuel » (issue de la catégorie capitaliste du travail), mais tentèrent au contraire de se l'approprier, ces mouvements finirent par s'insérer dans la logique immanente du capitalisme, sans pouvoir abolir ce mode de production et de valorisation spécifique. Les progrès juridiques acquis ici, ainsi, ne purent empêcher la barbarisation du patriarcat évoquée par Scholz, relative à la « double socialisation ». Ils n'empêchent pas non plus que se développent des assignations et auto-assignations hétérocentristes, médicales, légales ou normatives, jusque dans les formes de pseudo-reconnaissances juridiques des « minorités sexuelles » ou des « minorités de genre ».

De même qu'il ne faut pas se réapproprier l'idée abstraite, biologisante, de « famille », issue du projet de valorisation moderne, mais bien l'abolir, et abolir ses effets sociaux, de même il ne s'agit pas de se « réapproprier » ou de « libérer » l'idée abstraite et impersonnelle de « sexualité » (issue de la réduction inhérente au travail abstrait), mais bien l'abolir comme structure dissociatrice et assignante (ce qui ne signifie en rien l'abolition des érotismes qualitatifs et concrets, mais ce qui signifie au contraire l'abolition de leur déqualification et de leur déconcrétisation structurelles).

L'abolition de ces assignations supposent bien l'abolition de la valeur, de l'argent, de la marchandise et du travail abstrait, et de la fonction politique étatique qui les gère.

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